Depuis que je suis engagé dans l’Église, j’ai toujours entendu parler de tensions, de fractures, d’oppositions entre différents courants dans notre Église Catholique de France. Je me souviens, comme membre du MEJ, des oppositions dans les années 90 avec les Scouts d’Europe que l’on catégorisait comme extrémistes, ainsi que des mouvements d’Action Catholique qui traitaient les « Mejistes » de petits bourgeois. Il faudrait aussi parler ici longuement des JMJ qui ne furent pas toujours bien accueillies dans certains courants de la fille aînée de l’Église.

Ces situations ont certainement participé à la sécularisation de notre Église et à son affaiblissement par des départs nombreux et silencieux. Ainsi, aujourd’hui encore, faut-il s’inquiéter et parler de fracture entre les catholiques de France comme d’une nouveauté, et particulièrement entre les jeunes et leurs aînés ? Sans doute les facteurs sont-ils multiples, et il est tard, voire inutile, de juger l’Histoire. Cependant il est capital de trouver des chemins pour avancer ensemble et, comme le dit le père AMAR « retrouver les fondamentaux », en d’autres termes, faire œuvre de résilience ou tout simplement trouver un chemin évangélique.

Oui c’est vrai, il y a comme un raidissement parfois chez certains des jeunes que nous accompagnons. Comme aumônier étudiant que l’on pourrait qualifier de « vintage » (je n’ai pas dit « disqualifier »), et curé « boomer », nous prenons des coups quand nous ne correspondons pas à l’image rêvée et parfaite du prêtre, à sa façon de prêcher, de célébrer ou de penser, voir même de s’habiller… Mais au passage, qui voudrait devenir prêtre pour supporter des tensions dignes parfois de cours d’école ?

Alors, plutôt que de s’aigrir ou de se désoler, comment trouver, dans cette situation actuelle, un chemin de transformation pastorale qui va nous ouvrir des jours heureux ? Notre rôle de pasteur est bien de tout faire pour conduire nos communautés vers le Christ, et c’est là l’unique mission qui doit nous passionner et nous enthousiasmer. Aussi il nous faut être inventifs, pour permettre de façon synodale à nos communautés locales de retrouver la paix de l’unité dans la diversité.

Pour ce qui est de la jeunesse catholique, elle n’est pas uniforme mais bien diverse. Il n’y pas les jeunes catholiques mais des jeunes catholiques qui, reconnaissons-le, ne vont pas tous à Paray ou à Lourdes, mais qui courageusement s’engagent souvent mystérieusement dans leur Église locale, si on leur donne la possibilité de faire vibrer leurs charismes et leur volonté de suivre le Christ en servant leur paroisse, groupes divers ou mouvements.

La jeunesse que nous accompagnons reste globalement ouverte à la diversité et elle a besoin de repères et de ports d’attache accueillants et fraternels. C’est ce que peut être la paroisse et ses boomers, et ce que doit être l’Église, cet « hôpital de campagne » souhaité par le Pape François. Permettons à chacun de trouver sa place et de développer son originalité propre sans vouloir faire un conglomérat aseptisé de « cathos » sans saveur et sans audace, qui empêcherait le débat et la « disputatio » tellement promue quand on a 20 ans. Et comme le disait l’un d’entre eux « Dans l’Église pas de centre mou mais la Croix ».

L’Unité ne supprime pas la diversité qui, au contraire, encourage la liberté de penser et d’agir et permettra une action missionnaire plus féconde pour nos contemporains tellement divers, eux qui attendent l’annonce de l’Évangile. Face aux fractures que nous pouvons voir naître ici où là, il nous faut rappeler que l’unité n’est pas une option pour l’Église mais une injonction évangélique qui nous mène au Salut.

Article à retrouver sur le site de La Croix : https://www.la-croix.com/Debats/Cure-boomer-jobserve-parfois-raidissement-chez-jeunes-jaccompagne-2022-06-01-1201217911

Article du père Nicolas Guillou dans La Croix