Par Michel de Carné.

Inventé par les Cisterciens au XIIème siècle pour des frères et des sœurs  convers illettrés, le chapelet est sorti des monastères au XVème siècle sous  l’impulsion des Dominicains et tout particulièrement d’un dominicain breton, le  père Alain de La Roche. Né vers 1428 près de Plouer-sur-Rance, ce missionnaire a  prêché dans toute l’Europe du nord. Et c’est saint Dominique qui a « inventé » le  « Rosaire », cet ensemble de trois chapelets récités « en l’honneur de la Vierge  Marie, « Mère de Dieu    couronnée de roses ». « Prier le chapelet, disait-il, c’est  offrir une rose à la Vierge ». 

Un patenôtrier allemand du XV e siècle, bibliothèque nationale de Nuremberg      

Réciter son rosaire, ce fut d’abord, pour ceux qui ne savaient pas lire,  égrener quinze dizaines de chapelet *, soit cent cinquante Ave Maria, (l’équivalent  spirituel des cent cinquante psaumes de David). Et, comme on ne peut prier et  compter en même temps, les premiers récitants du « Rosaire », après avoir appris  par cœur le « pater et l’ave », ont pensé au quinzième siècle à faire des nœuds à la  cordelette qui leur tenait lieu de ceinture pour savoir où ils en étaient dans leurs  prières. 

Au sortir des couvents, ces nœuds sont devenus des « perles », puis des « grains » de céramique, de verre, de nacre, de corail et d’ivoire et enfin de bois le  jour où un ébéniste chrétien a su les « menuiser ». Quant au « chapelet », il doit son  nom à ce chrétien inconnu qui, un jour de « fête carillonnée », eut l’idée de mettre  sa « cordelette… à prière » bien en évidence sur son « chapeau ». 

   Au XVIème siècle, le « chapelet »  donne naissance à la « patenôtre » ainsi  appelée parce qu’après avoir proclamé son  « Credo », le « priant » s’adresse à Dieu son Père, « Pater noster, et à son Fils « Jésus Christ ». Et qu’il en est ainsi au début de  chaque dizaine. Pour que les fidèles s’y  reconnaissent, les grains du « pater » étaient  et sont toujours plus gros que ceux des  « ave », qu’on appelait alors les « gaudés » **. Pendant des siècles, les fidèles ont ainsi  égrené des « patenôtres » et « gaudés » qui,  peu à peu, sont devenus des « Pater » et des  « Ave Maria » alors que sortaient de terre les  grandes cathédrales vouées à Notre Dame et  que grandissait la dévotion à la Vierge Marie  consécutive à ses apparitions. La première de ces apparitions  reconnue par l’Église catholique, remonte au  15 décembre 1531, jour où, au lieudit Guadalupe, la Madone se montra plusieurs  fois sous l’aspect d’une métisse à Juan  Diego, un Indien du Mexique. Pour lui dire que la Madone des « occupants » espagnols était aussi la Madone des Indiens.  La Vierge apparait ensuite en 1608 à des Lituaniens dans la pinède de la Siluva (La Forêt) ; puis, de 1664 à 1718, à une bergère illettrée, Benoîte Rencurel, dans une petite grotte du vallon des Fours (Hautes Alpes, sanctuaire de Notre-Dame-du-Laus)***. 

En France, et plus précisément en Bretagne, la Vierge apparaît le 15 août  1652, fête de son « Assomption » à une bergère de douze ans, Jeanne Courtel,  au lieudit Querrien, dans la paroisse de Prenessaye, dans les Côtes d’Armor. Puis  en 1830, alors que la France est en pleine « restauration » politique et religieuse, la  Sainte Viergese se montre à Catherine Labouré dans la chapelle d’un couvent de  la rue du Bac. Et c’est à cette sainte religieuse qu’Elle apprend le « Ô Marie  conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous » que les chrétiens répètent « mille et mille fois par jour ». La Vierge Marie demande aussi à la  religieuse que l’on fabrique une médaille à son nom, médaille qui s’avérera «  miraculeuse ».  

En 1846, c’est au-dessus de La Salette, dans les Alpes, que la Vierge  apparaît à deux petits bergers, Mélanie Calvat et Maximin Giraud, et leur dit sa  douleur d’entendre les charretiers jurer tous les jours au nom de Dieu et de son  Fils bien-aimé. 

En 1858, à l’entrée de la grotte de Lourdes, la Sainte Vierge Marie se  présente à la petite Bernadette Soubirous sous le nom d’« Immaculée  Conception ». Deux ans plus tôt, le pape Pie IX en avait fait un dogme.  

En 1871, alors que La France vient d’être défaite par la Prusse, la « Belle  Dame » vêtue d’une robe bleue parsemée d’étoiles apparaît à sept enfants de  Pontmain et les invite à prier pour notre pays.  

En 1876, enfin, — et c’est moins connu — la Vierge apparaît plusieurs fois  à Estelle Faguette, jeune et pieuse paroissienne du village tourangeau de  Pellevoisin qui se meurt d’une maladie « incurable » et Elle la guérit. 

Quarante-et un an plus tard, en 1917, c’est Fatima. La Vierge Marie y  apparait à six reprises à trois bergers portugais, Lucie, Francisco et Jacintha. Elle  les invite à prier et leur annonce que la guerre va bientôt prendre fin et que la  Russie, qui vient de tomber aux mains de Lénine et des communistes, se  convertira un jour. 

             * Depuis Jean-Paul II, un Rosaire ce n’est pas quinze dizaines de chapelet, mais vingt. Aux cinq « mystères  joyeux », aux cinq « mystères douloureux » et aux cinq « mystères glorieux », le Saint Père a en effet  ajouté cinq « mystères lumineux ». 

** On saluait aussi la Vierge par un « Gaude Maria » , ce qui, en français se dit: « Réjouis -toi Marie. » D’où  le mot « gaudé ». 

*** Ces apparitions n’ont été reconnues qu’en 2008 par Mgr Di Falco l’évêque de Gap, de plus en plus  impressionné par le nombre croissant de pèlerins qui se rendaient au Laus (200 000 en l’an 2000 ! ) 

Un peu d’histoire  

A partir du troisième siècle de l’Église, la « Vierge Marie Marie pleine de grâces » est  toujours unie à son fils Jésus dans la prière des chrétiens comme l’a saluée l’Ange Gabriel le jour  de l’Annonciation.  

En Occident, la dévotion à la « Mère de Dieu » connaît un grand essor au XIIème siècle  quand des chrétiens ont l’idée d’accompagner la « prière de leur cœur » avec leurs mains et  construisent ces grandes et magnifiques cathédrales appelées « Notre Dame »  

A la même époque, dans les monastères, l’Ave Maria prend peu à peu… le pas sur le Pater  Noster dans la prière que récitent les frères les sœurs convers (encore illettrés) pendant que les  moines lisent et chantent les psaumes en latin.  

Au XIVème siècle, de pieux chrétiens prennent l’habitude de couronner la Sainte Vierge de  petits chapeaux de fleurs, ce qui donnera le mot « chapelet ». Et ce chapelet se matérialise sous la  forme d’une cordelette entrecoupée de perles et se terminant par une croix qui permet aux  « orants » de savoir où ils en…sont dans leurs prières.  

Au XVème siècle, enfin, c’est en Prusse, que le père Dominique, prieur de la Chartreuse de  Trêves et fondateur de l’ordre des Dominicains, « invente » le « Rosaire » * et que cet hommage à  Marie Mère de Dieu se répand dans toute l’ Europe grâce à un autre … dominicain breton , le Père  Alain de La Roche, le « grand apôtre du Rosaire ».  

* Dire son Rosaire, c’est égrener vingt dizaines de chapelet à la suite.  

Le chapelet et le Rosaire
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